vendredi 22 mai 2015

Hrvatska.

Lundi 18 mai. A 7h du matin, lorsque nous sortons du bateau, le soleil tape déjà fort. Nous cherchons un peu d’ombre pour prendre le petit déjeuner… Il nous faudra quelques forces pour quitter Split.

Nous avons choisi l’intérieur des terres pour faire connaissance avec la Croatie. L’unique route côtière offre sans doute de jolis points de vue sur la mer, mais elle est très fréquentée et réputée dangereuse. Autant l’éviter, nous profiterons de l’Adriatique plus tard. Nous prenons alors de la hauteur pour quitter l’agitation de la ville. La circulation se fait rapidement moins dense, jusqu’à devenir… nulle. Dans ces campagnes de moyenne montagne, à moins de 20 km de Split, nous pénétrons un territoire où le temps semble s’être arrêté. Les quelques villages visibles sur la carte sont en fait des hameaux. Les maisons, de briques rouges ou de parpaings gris, sont brutes, comme inachevées. De nombreuses sont en ruines ou abandonnées. L’économie locale est visiblement celle de la subsistance : le potager occupe la quasi-totalité des lopins de terre, les poules et quelques bêtes se partagent le reste. Il règne ici une atmosphère particulière, un calme absolu, une quiétude qui nous plaisent bien. On se croirait même parfois au milieu du désert, d’autant que la chaleur est accablante (38°C !). Depuis 50 km que nous roulons, pas un commerce, quasiment personne dans les maisons, pas une fontaine, pas un robinet dans les cimetières, sinon des cuves d’eau croupie. Nous sommes presque à sec, y a-t-il quelqu’un dans ce village pour nous abreuver ? Armés de notre petit dictionnaire, nous frappons à la porte ouverte d’une ancienne ferme, laissant espérer une présence. Une vieille dame, tout de noir vêtue sort, suivie de son mari. Elle va tirer du puits l’eau qui remplira nos gourdes, lui va chercher des pommes et du jus de fruit pour les enfants. La communication est difficile, les gestes aident. On nous demande si nous voulons manger. Ces gens qui n’ont rien sont prêts à donner tout, c’est très touchant. Un peu plus tard nous partons, sans même oser demander pour prendre une photo. Nous planterons la tente quelques kilomètres plus loin, rassurés d’avoir de l’eau jusqu’au lendemain midi, au moins. Hvala.



Mardi 19. Nous dévions un peu de notre itinéraire en quête d’un village de taille suffisante pour pouvoir y faire des courses. Le long de la route nous apercevons des panneaux indiquant des terrains susceptibles d’être encore minés. Les stigmates des combats sont toujours nombreux et bien présents. A y regarder de plus près, la plupart des façades sont encore criblées d’impacts de balles, d’obus. Rétrospectivement, on se remémore toutes ces maisons aux toits effondrés vues la veille. C’est impressionnant, nous ne pensions pas voir autant de traces d’une guerre datant de 20 ans maintenant. Les enfants posent des questions, alors nous parlons beaucoup sur les vélos, le temps passe vite. De Drnis, où nous avons pu trouver un magasin, nous filons vers la plaine, jusqu’à plonger dans les gorges du Krka. Nous traversons le parc national du même nom. En milieu d’après-midi, nous nous offrons un camping à la ferme. Il fait toujours aussi chaud, une douche ne fait pas de mal. Nous sommes seuls, jusqu’à l’arrivée d’un couple d’Anglais, eux aussi à vélo. Christine et Peter ont commencé leur voyage en Grèce et le termineront chez eux, du côté de Newcastle. Nous passons une belle soirée, ensemble…


Mercredi 20. Nous faisons nos derniers kilomètres dans cette Croatie de l’intérieur si étonnante et dépaysante. Nous avons cependant choisi de retourner sur la côte pour continuer par les îles notre progression vers le nord. Les enfants veulent se baigner ! Nous devons nous rendre à Biograd pour gagner, en 20 minutes de bateau, l’île de Pasman. Mais le destin en décide autrement… Nous nous arrêtons pour prendre en photo les vestiges d’une maison sur laquelle flotte un drapeau croate. Il ne reste que les fondations, un sous-sol et un bout de l’étage, tombé à l’équerre. Soudain surgit un type qui nous interpelle. On croit d’abord se faire engueuler, il nous propose en fait de venir boire un verre de vin. Nous hésitons, mais comme le gars a l’air sincère et pas trop ivrogne, nous acceptons l’invitation. Le problème, c’est toujours la communication. Alors avec Sebastijan, ses trois mots d’anglais, ses cinq d’allemand, son croate, notre français et notre dico, on fait ce qu’on peut, mais on se marre bien, surtout après le troisième verre. Sebastijan fait le café, sert un jus de fruit aux enfants, leur ramasse des fraises, cueille des cerises, il est très attentionné. Il nous parle du conflit qui l'a marqué dans sa chair, de cette guerre qui lui a fait perdre sa famille et sa maison. Il nous montre sa cicatrice qui va du pied jusqu’à la base de son cou. Il nous raconte l’histoire de sa maison. Il en a fait un monument, un mémorial, juste pour lui, autour duquel il a son potager et son verger. Quand on lui demande s’il reçoit souvent des touristes dans son petit sous-sol, il nous dit que nous sommes les premiers. Sebastijan nous emmène ensuite dans sa maison, celle qu’il habite, 300m plus loin. Il nous raconte sa vie de soldat, nous montre ses médailles, ses photos, et ses médicaments. Comment vivre avec ce passé ? Le temps avançant, nous devons lui demander si nous pouvons planter la tente sur son terrain. « Da, Da, frei, frei ! ». Alors il nous raccompagne, nous laisse la clé du sous-sol que nous mettrons sous une pierre en partant : il y a une gazinière, des chaises, une table et de quoi être à l’abri. Sebastijan est gêné de ne pas pouvoir tous nous accueillir dans l’unique chambre de sa petite maison. Il reste avec nous jusqu’à la nuit puis nous quitte en nous embrassant. Nous ne le reverrons pas. Ça nous en bouche un coin… pas facile de s’endormir après ça.



Jeudi 21. Le temps a changé, nous devons rouler sous une pluie intermittente jusqu’à Biograd. Au port, en attendant le bateau, le contraste est saisissant : voitures de sport, luxueuses berlines, voiliers, yachts… C’est la facette d’une autre Croatie. On se renseigne sur la météo : ce sera bien pire demain. Il nous faut trouver un logement pour les deux prochaines nuits. Sur la petite île de Pasman, cela s’avère finalement chose aisée. De nombreux particuliers louent des appartements, souvent une partie de leur maison. Pour 30 € la nuit, on a deux chambres, une petite cuisine et une grande terrasse couverte : parfait pour attendre le retour d’un temps plus clément… 
Vendredi 22. Trombes d’eau : repos pour tout le monde.

Le petit port de Pasman...
...sous la pluie.

2 commentaires:

  1. belles fotos comme d'habitude. quelle chalereur!!! Les enfants ont l'air d'aller bien sauf suporter le chaleur....bonito pais.

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  2. Du fait de mon examen de français je ne vous avais pas suivi depuis quelques semaines, et comme je l'ai fait hier (et je l'ai eu!!) et que j'ai le temps, je viens de me "metre au jour".....Et...après avoir lu l'histoire de Sebastijan, c'est à dire , celle de toutes les victimes de la guerre, je suis ému, voire bouleversé...Merci de l'avoir partagé avec nous!!
    je vous souhaite bonne continuation, et bien sûr...Buen camino!!

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